Enfant, amour et détresse

Sous la pluie, elle errait dans les rues de la ville, marchant sans regarder où elle allait, tête basse. Elle n'avait su comment et pourquoi le destin s'acharnait sur elle de manière aussi cruelle. Ses cheveux noirs se perdaient, en bataille, autour de son visage, mais elle les ignorait. Ils avaient été imprudents, mais la faute ne venait pas que d'elle-même... Emportés malgré tout par leur élan, ils avaient tout oublié, jusqu'aux protections élémentaires. Et maintenant qu'elle le lui avait dit, il avait tout mis sur ses frêles épaules d'enfant, refusant toute responsabilité. Comment elle avait pu commettre un tel acte sans faire un tant soi peu attention. Elle l'aimait, il l'avait aimée. Elle n'ignorait pas que ce combat, elle le vivrait seule, ses parents l'avaient définitivement rejetée, son "rayon de soleil" l'avait laissée mourir sous une pluie éternelle.
Alors maintenant qu'elle était seule, seule à assumer le poids d'un enfant qui n'avait rien demandé, qu'allait-elle faire ?
Elle n'avait jamais eu à l'idée d'être mère à 17 ans, ni d'être rejetée par l'homme qui avait été toute sa vie. Elle marchait droit devant, ses yeux gris au regard vides baissés sur ses pieds, sans se préoccuper de la fine pluie dnt chaque goutte lui faisait ressentir la force de l'abandon de cet homme, qui, lui, avait eu le choix. Il ne voulait pas connaître son enfant, il ne voulait pas entendre parler de sa mère, il fuyait, désespérément, une parentée qu'une femme ne peut fuir sans se sentir coupable. L'avortement, elle n'y avait songé qu'une fois, avec un dégoût prononcé. Il était inconcevable qu'elle tue un être qui n'avait pas demandé à naître, et encore moins à mourir. Elle l'aimait, mais elle ne pouvait non plus s'imaginer élever ses enfant, exerçant un métier contraignant et peu rentable, vivant dans un appartement miteux. Elle ne voulait pas offrir cela à son enfant, mais elle ne voulait pas lui offrir une autre famille, se sentir lâche de ne pas avoir pu l'élever et l'aimer, à sa manière. Perdue, elle ne songeait qu'à l'arrêt du temps, tournant en rond, cherchant vainement une solution.
Finalement, à la lueur du soleil naissant, elle s'assit sur un banc, face à la mer, qui semblait comprendre son désespoir. Se pourrait-elle que la mer la soulage, qu'elle engloutisse ses souffrances ? Elle marcha vers ces vagues, calmes et tristes, et s'apprêtaient à se perdre dans les flots tourmentés lorsqu'une voix l'appelait au loin. Elle n'y prêta aucune attention, bien que cette voix appartenait au père de son enfant, qu'elle voulait perdre, égoïstement, avec elle. Elle entendit ses pas sur le sable, et sentit sa main sur son épaule. Sans aucune larme dans ses yeux, elle qui s'apprêtait à mourir, elle se tourna vers lui, le regard aussi vide d'éclat qu'une nuit sans lune. Il lui dit d'une voix précipitée qu'il avait mal agi, qu'il ne voulait pas la voir disparaître, qu'il prendrait soin d'elle et de son enfant. Elle lui sourit et se laissa aller à pleurer. Avec lui, tout irait bien, tout ne pouvait aller que bien...

Aria